M. le Préfet,
M. le DASEN,
M. et Mmes les élu.e.s
M. et Mmes les représentant.e.s des syndicats enseignants,
M. et Mmes les représentant.e.s des associations de parents d’élèves,
L’école de la République traverse des temps bien troublés. L’assassinat de Samuel Paty nous a tous profondément touchés, que l’on soit enseignant, élève ou parent c’est l’ensemble de l’école qui a été attaqué. Nous voulons ici réaffirmer notre soutien et celui des parents d’élèves que nous représentons à ses proches, ses collègues, ses élèves, mais aussi notre soutien aux valeurs de la République qui ont été visées et à tous ceux qui les portent au quotidien dans les établissements scolaires auprès de nos enfants. L’Ecole publique est et doit rester le lieu de transmission des savoirs mais aussi d’ouverture au monde, d’éveil des consciences et de mélange des idées. La liberté d’expression et la liberté d’enseignement y sont fondamentales.
Dans ce contexte anxiogène et souvent polémique, il faut lutter contre la tentation du repli : repli de familles qui se sentent exclues de l’école, repli du corps enseignant vis-à-vis des parents, repli de l’Ecole en général, qui après les attentats, les plans vigipirate, le confinement, les mesures sanitaires devient un lieu de plus en plus fermé. Nous appelons au contraire à plus d’ouverture, ce n’est que par un dialogue renforcé entre l’école et les familles, une vraie inclusion des parents d’élèves dans les projets d’établissement, en résumé une véritable co-éducation, que l’Ecole de la République pourra remplir sa mission. En tant qu’association de parents d’élèves, nous ferons tout pour y mettre notre part et mobiliser la communauté des parents sur ces sujets.
Nous devons aussi faire face au contexte sanitaire qui perdure depuis plus de 8 mois.
On aurait pu penser que l’expérience du 1er confinement aurait permis de faire un retour d’expérience sur les nouvelles pratiques d’enseignement, de diffuser et partager les « bonnes pratiques », de préparer et accompagner les chefs d’établissements et les équipes pédagogiques à mieux appréhender les méthodes et outils favorisant la continuité pédagogique. On aurait pu s’attendre à ce que des mesures soient prises, des investissements, un renforcement massif dès la rentrée des moyens humains et techniques pour lutter contre les inégalités et les séquelles laissées par le premier confinement. Quoi qu’il en coûte, avait dit le Président.
On en est très loin. Malgré cette crise sanitaire débutée il y a plusieurs mois pour laquelle aurait pu être anticipé un doublement des effectifs de personnels techniques, pour étaler les passages à la restauration, pour nettoyer autant que nécessaire les établissements, et de personnels enseignants, pour assurer les enseignements en demi groupe plutôt qu’en classe de 30, c’est dans la continuité d’une politique de long terme de diminution des effectifs, que les équipes éducatives tentent l’impossible application de ces protocoles successifs dans ces conditions de gestion de la pénurie. Quotidiennement les administrations sont ainsi contraintes de faire des arbitrages comme celui entre surveiller les élèves dans la cour, et assurer l’encadrement des demi-pensions étalées pour éviter les brassages. Certains établissements effectuent même des appels à l’aide aux familles pour encadrer la restauration ou effectuer le nettoyage, dans l’urgence, sans autre solution.
Et ce ne n’est pas la fuite en avant dans l’impréparation la plus totale, des investissements du département pour équiper d’ordinateurs toute une classe d’âge, qui suffiront à pallier ou à faire oublier cette situation d’insuffisante chronique de moyens humains.
A ce jour, nous faisons par ailleurs l’amer constat que le plan de continuité pédagogique ne revêt pas le même sens et n’a pas la signification, la même application, selon les territoires, au sein des établissements scolaires et en particulier dans le second degré. Avec les nouvelles mesures annoncées le 5 novembre pour les lycées, nous déplorons encore plus que la continuité pédagogique est devenue une boule à facettes, laissée à l’arbitraire. La rupture d’égalité entre les lycéens, orchestrée par le Ministère de l’Education Nationale, est bien entamée, impactant la réussite au baccalauréat des lycéens. Nous proposons ici qu’un groupe de travail avec les différents partenaires du CDEN se penche sur ces questions.
Les lycées ont réduit le temps effectif de présence des élèves : organisation, méthodes, rythmes à géométrie variable et inégale, laissés au libre choix des chefs d’établissement et des enseignants. Et la concertation avec les lycéens et les associations de parents d’élèves n’est pas malheureusement pas toujours au rendez-vous. Dans certains cas, les lycéens se retrouvent avec des emplois du temps à trou, les obligeant à rester dans des salles de permanence « bondées », pour attendre le cours suivant. Entre errances et déserrances de lycéens ne sachant pas toujours où se réfugier, des équipements internet et numériques faillibles, des enseignements réduits, la lassitude, l’amertume, la solitude et le stress grandissent. Nous devons faire face aujourd’hui à une vraie fracture éducative, renforcée par la réforme Blanquer du lycée et le contexte de la COVID.
Si le nombre de cas est faible, que les mesures sanitaires dans les classes et au sein des lycées sont respectées, nous souhaitons que les cours en présentiel soient privilégiés au maximum. Si ce n’est pas le cas, que des moyens soient mis en place pour que les cours hybrides (une partie en classe, une partie en distanciel) soient réellement possibles dans les meilleures conditions.
En ce qui concerne les élèves de première et de terminale qui sont sensés passer des examens du bac cette année, on observe encore une rupture d’égalité par l’imposition du contrôle continu plutôt que d’épreuves communes, sans harmonisation. Cette rupture est encore renforcée par le fait que la continuité pédagogique n’est la même pour tous. Est-ce normal d’avoir une partie des élèves faisant un devoir sur table alors que l’autre partie le fait à la maison ? La note rendue au final aura le même poids. Sans harmonisation, sans concertation, sans épreuve commune, on remet dans les mains de chaque professeur l’avenir des élèves. Cette absence d’équité n’est pas acceptable.
La mise en application de la réforme du baccalauréat est, sans surprise, chaotique : aucune préparation, aucune anticipation de sa mise en œuvre : comment choisir des épreuves de spécialité sans connaitre le positionnement du supérieur sur les critères de sélection des étudiants, comment se préparer à un grand oral sans enseignement spécifique et sans information précise ?
Enfin, concernant les lycées professionnels et les BTS, nous attirons votre attention sur l’impossibilité pour les élèves d’obtenir des stages. Pour certains, les stages avaient déjà été repoussés l’année dernière. Que prévoit l’Education Nationale pour répondre à la situation ? Comment garantir la qualité et la validité de la formation de ces élèves et leur insertion professionnelle dans ces conditions ?
Entre la réforme et les mesures sanitaires, quel avenir promet-t-on à ces jeunes ? Quelle est la place qui leur est faite ? Nous voyons se profiler une génération sacrifiée. C’est inacceptable, et l’Etat et ses institutions doivent agir pour qu’il n’en soit pas ainsi et que le droit à l’instruction et à l’éducation soit le même pour tous.
Lucie Salvaudon – présidente de CAPE 91 – membre titulaire du CDEN de l’Essonne