
M. le Préfet,
M. le Directeur Académique,
M. et Mmes les élu.e.s
M. et Mmes les représentant.e.s des syndicats enseignants,
M. et Mmes les représentant.e.s des associations de parents d’élèves,
On a beaucoup parlé cet été et durant cette rentrée de l’immense désaffection des enseignants et enseignantes pour une carrière à l’Education Nationale, et de pratiques de job dating pour recruter hors concours et du grand rubiks cube géant qu’ont dû résoudre les services pour mettre un ou une adulte devant chaque élève à cette rentrée.
Mais d’abord, rappelons ici qu’au-delà du scandale de ressources humaines que représente l’Education Nationale, on parle ici de l’Ecole Publique. Cette institution est celle qui doit garantir à tous les enfants un accès à l’éducation, à la connaissance, à l’éveil citoyen, quelles que soient leurs origines sociales ou culturelles. L’Education Nationale c’est l’avenir de notre pays, et dans un monde où les désinformations sont partout, où les obscurantismes persistent là où la laïcité recule, où les bouleversements liés au changement climatique sont à notre porte, c’est bien l’institution qui devrait concentrer tous les efforts de la nation.
Mais non, manifestement les plans de relance ne sont possibles que pour les banques et les grands groupes, mais pas pour l’Education Nationale. Le « quoi qu’il en coûte » ne s’applique visiblement pas quand il s’agit d’instruire et de former ceux qui construiront notre avenir. L’Ecole Publique a besoin d’enseignants et enseignantes motivées, reconnues, respectées, formées, rémunérées à la hauteur de leur responsabilité, pour apprendre à tous les enfants dans des conditions humaines et matérielles sereines. Ce n’est malheureusement pas le cas, et en tant que parents d’élèves nous sommes dans un état de sidération devant la situation qui se dégrade sans cesse d’année en année. Nous ne nous résoudrons jamais à l’accepter. Ce n’est pas une classe ici, une classe là qu’il faut rouvrir, un remplacement ici, un remplacement là qu’il faut réclamer, dans un exercice dans lequel les adultes se contentent de faire de la gestion de pénurie dans un tableur géant. Nous demandons un véritable sursaut national, une revalorisation complète du métier de professeur-e afin que nos enfants aient des enseignants et enseignantes bien formées et motivées partout sur le territoire, un réinvestissement massif dans la formation afin que la pédagogie et l’enseignement forment une filière aussi reconnue que l’ingénierie ou la médecine. Les demi-mesures et les rustines ne suffisent plus. Il s’agit de mettre en place un réemploi massif, et pas seulement des enseignants et enseignantes mais aussi des personnels de santé scolaire, d’entretien, d’encadrement qui font elles et eux aussi cruellement défaut.
Sans un sursaut national immédiat pour faire que cette année soit une exception, nous serons en droit de penser que cela est une stratégie assumée des dirigeants de notre nation. D’une part, pour casser les statuts de fonctionnaires censés garantir la qualité, la continuité et la pérennité des ressources humaines dans les écoles de la République. D’autre part, qu’il s’agit de détruire à petit pas l’Ecole Publique au profit du marché très lucratif de l’éducation privée qui progresse. Nous observons cette stratégie à l’université, avec la sélection et la précarisation massive des enseignants et enseignantes. Allez-vous, comme à l’université, rendre précaire la moitié de nos enseignants et enseignantes, puis mettre en place une sélection dans le primaire et le secondaire pour organiser la pénurie de moyens sciemment mise en place ?
Quand pensez-vous mettre en place une réforme, qui évitera que des professeur-e-s soient sans affectation ou en disponibilité car on leur refuse d’enseigner dans la zone où elles et ils habitent alors qu’ils sont disponibles, et que les enseignants manquent cruellement au même endroit?
Quand pensez-vous revaloriser massivement le salaire des enseignants et enseignantes pour que le métier retrouve ses lettres de noblesse, redevienne attractif au concours, avec une rémunération à la hauteur de la responsabilité et de l’utilité sociale qu’il implique.
Quand allez- vous mettre fin à ces conditions de travail et d’apprentissage indignes, véritable repoussoir pour de nombreux enseignants et enseignantes initialement motivées, mais contraintes de quitter l’Education Nationale. Nous demandons que soit inscrit dans la loi un nombre maximal d’élèves par classe à 24 élèves.
Cet épisode de concours non pourvu, et rappelons que c’est dans notre académie que les records de désaffection ont été battus, aura un impact négatif aussi sur le long terme sur le lien de confiance entre les familles et l’école. Le manque de formation des personnels contractuels recrutés en une demi-heure a fait le tour des médias. Maintenant, chaque nouvel enseignant arrive auprès des élèves et leurs familles avec un a priori de non-compétence, comment imaginer que cette prise de poste se fasse dans les meilleures conditions ?
L’autre chantier urgent, après des années de vigipirate, fermant les écoles à tous les autres acteurs et actrices de l’école, sera donc l’immense travail pour restaurer le lien de co-éducation, encore plus mis à mal par la crise du covid. Pour cela, il faut que les parents d’élèves puissent prendre toute leur place dans une école ouverte. Encore trop souvent les parents sont laissés sur le pas de la porte de l’école, au propre comme au figuré, et doivent se battre pour faire valoir leurs droits à l’information et à leur implication dans le projet d’établissement. Sans compter les réformes récentes qui donnent beaucoup plus de pouvoir au chef d’établissement, confisquant ce pouvoir aux conseils d’école et aux conseils d’administration, et donc aux enseignants et enseignantes et aux représentants et représentantes de parents. On n’a plus qu’à s’assoir, et à écouter ce qui est décidé.
Nous appelons de nos vœux une refondation de l’Education Nationale, de ses moyens comme de son fonctionnement avec l’ensemble de ses acteurs, afin qu’elle puisse assurer son rôle de formation des citoyens et citoyennes et demain. N’oublions pas que l’éducation peut être émancipatrice et que celle des jeunes générations aura un impact sur le système de santé, la justice, l’écologie et le bien-être de toutes et tous.
